Téléphonie mobile et concertation locale : Le ministère propose une liste d’experts bien loin de l’indépendance exigée !
Communiqués de presseLe Grenelle des ondes a acté le principe d’une amélioration de la concertation locale. Dans ce cadre vos services ont proposé que soit dressée une liste d’experts, validée par l’Etat, lesquels seraient chargés de transmettre aux élus ou aux citoyens lors de réunions publiques, l’état des connaissances scientifiques. En date 21 septembre dernier, vos services nous ont fait parvenir une première ébauche de liste (voir le .pdf ci-joint) comportant le nom de neuf experts. Cette liste si elle ne nous était pas présentée comme une proposition constituerait une véritable provocation.
La question de l’expertise est au cœur des politiques de santé publique
environnementale et des polémiques qui souvent les accompagnent. La téléphonie
mobile a, de ce point de vue, été, avant le Médiator, mais après l’amiante et le
tabac, au cœur d’une controverse concernant les conditions dans lesquelles était
conduite l’expertise et tout particulièrement les critères de nomination des
experts.
Nous espérions, depuis le rapport de l’IGE-IGAS en 2005 et les
nouvelles conditions de l’expertise mise en œuvre par l’AFSSET en 2009, avoir
franchi une étape importante dans la transparence et le respect du pluralisme. A
la lecture de la liste qui nous est proposée, force est de constater qu’il n’en
est rien. On y trouve toujours les mêmes noms d’experts qui se sont illustrés
par leur soutien indéfectible à la thèse du déni de risque.
Cette liste
ne correspond donc en rien à la définition de l’indépendance retenue notamment
par l’OMS. Dans un courrier, adressé le 26 octobre au Professeur Lerch, les
responsables du CIRC-OMS précisent les raisons pour lesquelles sa candidature ne
peut pas être retenue : « Une monographie du CIRC est un travail d’expertise qui
requiert une complète indépendance vis à vis de tout intérêt commercial aussi
bien que de toute posture partisane qui pourrait être perçue comme une position
a priori ».
Pour ce qui concerne l’ « intérêt commercial », il faut
souligner que la liste qui nous a été transmise n’est accompagnée d’aucune
déclaration publique d’intérêt. Pour ce qui est de la posture partisane, hélas,
le constat est facile à établir pour la quasi-totalité des membres
proposés.
Une fois encore, par facilité ou volonté de mettre un terme à
la controverse scientifique, ont été délibérément écartés les scientifiques et
experts qui ne se fondent pas dans le moule de la pensée unique. Pire, le
pré-choix réalisé par le ministère semble dicté par une volonté de rassurer, une
fois encore au détriment de l’objectivité nécessaire, laquelle impose au moins
de reconnaître la controverse scientifique. Nous rappellerons à ce propos ce que
dit de cette controverse le rapport de l’AFSSET ::
« La controverse
publique sur les radiofréquences ne se réduit pas à une opposition entre, d’un
côté des « profanes » qui seraient pétris de croyances et manipulés par des
médias transformés en « marchands de peur » et, de l’autre, une communauté
scientifique qui serait parvenue à un consensus sur la question des effets
sanitaires des ondes électromagnétiques. Cette vision ne résiste pas à l’examen
puisque ce sont au contraire les désaccords scientifiques qui alimentent pour
une bonne part la controverse publique sur le sujet.» (Rapport de l’AFSSET, p.
46)
Cette controverse ne pourra se clore avec le discours rassurant,
fut-il cautionné par l’Etat, tenu par une poignée d’experts qui ont fait la
preuve de leur pugnacité à étouffer l’impact sanitaire de la téléphonie mobile.
L’avis de l’AFSSET d’abord, la classification de l’OMS ensuite, montrent que la
théorie du « circulez, il n’y a rien à voir » prend l’eau de toute part.
L’autorité publique se doit de rendre compte de ce nouvel état des choses dans
toute sa complexité.
Dans le courriel qui nous a été adressé par vos
services le 21 septembre dernier, vous nous demandez de réagir à la liste
d’experts communiqués. Pour nous deux choses s’imposent : écarter les experts
les plus « partisans » et ouvrir cette liste à d’autres scientifiques qui ne
partagent pas forcément la vision rassurante que voudrait imposer l’industrie.
Enfin, quelque soit les experts pressentis, il nous apparaît évident qu’une
déclaration publique d’intérêt (DPI) doit être fournie avant toute décision
définitive et que ne puissent être retenus que les scientifiques dont la DPI est
exempte de tout lien directe et indirect avec le monde de la téléphonie
mobile.
Nous vous remercions par avance de l’attention que vous ne
manquerez pas d’accorder à ces propositions.
Janine Le Calvez,
Présidente de Priartém
Stéphen Kerckhove, Délégué général d’Agir pour
l’Environnement