Obtention végétale : Une loi qui bafoue les engagements français sur la biodiversité et les droits des agriculteurs ?
Communiqués de presseLes sénateurs débutent ce 29 juin l’examen d’une proposition de loi visant à augmenter les droits de propriété intellectuelle des sélectionneurs industriels (semences agricoles). Sous ce prétexte défendable, cette proposition de « loi relative aux certificats d’obtention végétale » vise à criminaliser encore plus le geste ancestral de « re-semis » des graines par les paysans, pourtant déjà largement entravé.
Pire encore : par un amendement de dernière minute, le gouvernement lui-même propose de rendre ce texte complètement contradictoire avec les traités internationaux pourtant signés par la France !
Le texte présenté au Sénat vise à augmenter la mainmise des sélectionneurs sur les végétaux cultivés, en élargissant le cadre de leur propriété intellectuelle aux caractères génétiques essentiels dérivant des variétés qu’ils ont sélectionnées. Cette disposition apparemment vertueuse face aux risques de brevet américains permet en réalité aux sélectionneurs industriels de s’accaparer la reconnaissance de leur travail au détriment de celui réalisé depuis des siècles par les paysans : au nom de quoi la sélection ultime d’un industriel lui donnerait-elle plus de droits sur les caractères génétiques d’une variété que les siècles de sélection « au champ » par les paysans eux-mêmes ? Qu’est-ce qui permet de prétendre que les caractéristiques essentielles d’une variété proviennent de la dernière étape en laboratoire, et pas du travail des agriculteurs à travers les siècles ? C’est ainsi tout un patrimoine commun et public qui se retrouve indûment privatisé.
Par ailleurs, cette proposition de loi prévoit explicitement que les agriculteurs qui ressèment une partie de leur récolte paient des royalties aux industries semencières (en élargissant une disposition déjà en vigueur pour le blé tendre), au prétexte que la plupart de ces variétés sont issues des semenciers. Pourtant, ces agriculteurs ont bel et bien payé la variété lors de leur achat initial, et doivent la racheter tous les deux ou trois ans : si le prix ainsi payé est jugé insuffisant, il convient aux semenciers de réajuster leur prix de vente : un citoyen paie bien son grille-pain une seule fois lors de son achat, et n’est pas imposé à chaque tartine qu’il met à griller… Cette disposition conduit en réalité à imposer injustement les agriculteurs qui font leur propre sélection végétale : comme ils ne peuvent prouver qu’ils ont acheté des semences (et pour cause), ils devront payer une taxe pour financer l’industrie alors même qu’ils sont leurs propres sélectionneurs !
Mais le gouvernement a réussi à aller plus loin encore dans l’absurde et le scandaleux, en déposant le 23 juin un amendement destiné à supprimer le droits des agriculteurs à sélectionner et échanger leurs propres semences. Cet amendement permet d’élargir des dispositions actuellement réservées à « l’exploitation commerciale » des semences pour les appliquer à la conservation des ressources phytogénétiques, la sélection, la recherche ou l'autoconsommation de la récolte. Par cet élargissement abusif, le gouvernement prend l’exact contrepied des traités internationaux sur le partage des bénéfices de la biodiversité, et en particulier du traité TIRPAA (traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture). Alors que le TIRPAA, pourtant ratifié par la France en 2005, reconnaît et encourage à soutenir « l'énorme contribution » passée, présente et future des agriculteurs à la conservation des ressources phytogénétiques in situ à la ferme, leur participation à la sélection ainsi que leurs droits qui en découlent, la proposition de loi présentée au Sénat demande de nier ces droits et d’interdire aux paysans l’accès aux ressources qu’ils ont eux-mêmes élaborées.
Agir Pour l’Environnement s’indigne de ce double discours, et demande au gouvernement de retirer cet amendement scélérat qui conduirait la France à bafouer les traités qu’elle a elle-même signés. Qu’il est loin, le temps des déclarations vertueuses sur l’environnement et la biodiversité…
Plus globalement, c’est l’ensemble du texte proposé au Sénat qui doit être totalement revu.