Une semaine du goût insérée dans une année de dégoût ?!?
Au pays des chefs étoilés et des guides culinaires récompensant les tables prestigieuses, la restauration collective fait pâle figure. La semaine du goût est l'occasion d'interroger la part marginale de bio servie dans les cantines scolaires.
Par Stéphen Kerckhove, délégué général d'Agir pour l'Environnement
Au pays des chefs étoilés et des guides culinaires récompensant les tables prestigieuses, la restauration collective fait pâle figure. Avec 3,5 milliards de repas servis chaque année dont 7 millions par jour rien que dans les cantines scolaires, la césure entre l’image d’une gastronomie française inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO et la réalité quotidienne vécue par des millions de Français est vertigineuse. En effet, moins de 3% des aliments servis en restauration collective sont issus d’une agriculture biologique
Dans un tel contexte, la semaine du goût est avant tout une faute… de goût ! Pour qui a déjà eu l’occasion d’ingérer un repas servi dans un hôpital, une maison de retraite ou un collège, cette semaine du goût a un petit goût… de jamais vu ! Dans les enceintes scolaires qui devraient être des temples de l’apprentissage, y compris à l’occasion des repas, la cantine s’apparente encore trop souvent à un passage obligé. A tel point que le gaspillage alimentaire représente un tiers de ce qui est servi dans les assiettes.
Par facilité ou manque d’ambition, les collectivités locales demeurent prisonnières d’a priori qui ne résistent pas à l’analyse. Porter la part de bio en restauration collective de 3% à 20% serait coûteux ou difficile à mettre en œuvre au regard de l’approvisionnement.
Rien n’est plus faux ! Les centaines d’établissement scolaires qui s’essayent à l’introduction de bio démontrent chaque jour l’inanité de ces a priori. De fait, le coût « matière » d’un repas servi dans un collège ou un lycée n’excède pas 2€ pour un prix global de 6 à 10 euros. Augmenter la part de bio n’engendrerait qu’un surcoût de quelques centimes, bien souvent compensé par une chute importante du gaspillage alimentaire ou la volonté de réduire la part de viande servie à chaque repas.
Concernant l’approvisionnement, chaque jour qui passe apporte la preuve que le monde de la bio est en ordre de marche pour répondre à la demande. Dix-neuf fermes se convertissent à la bio chaque jour. Pour porter la part de bio en restauration collective, il faudrait mobiliser l’équivalent de 400 000 hectares de terre agricole, soit 1,4% de la surface agricole utile française, à peine la superficie des terres converties à la bio chaque année ! Accroître la part de bio en restauration collective n’engendrera pas une explosion d’une bio importée. Au contraire ! Trois quarts de la bio servie en restauration collective est d’origine locale !
Nos enfants, les personnes âgées ou les malades méritent mieux qu’une nourriture de piètre qualité. Devons-nous accepter que nos repas soient transformés en un jeu macabre où nous serions dans l’obligation de mettre notre santé en jeu ? Chaque analyse met en évidence une contamination généralisée des aliments par les pesticides, les perturbateurs endocriniens ou les nanoparticules. Pire, entre 1951 et 1999, une pomme de terre aurait perdu près de 60% de son fer, la tomate 55% de son calcium. Pour espérer avoir les mêmes apports nutritionnels qu’offrait une pomme de 1960, il nous faudrait en manger 8 produites en 2017. Cette nourriture dite conventionnelle est le fruit toxique d’un compromis historique qui a vécu.
A l’heure où les Etats généraux de l’alimentation battent leur plein dans un silence assourdissant, il y a urgence à faire de la France, le pays de la bon chère, y compris dans les cantines. Pour ce faire, un objectif de 20% minimum d’aliments issus de l’agriculture biologique et produits localement doit être adopté en restauration collective.
La transition agricole et alimentaire ne peut et ne doit être réduite à une semaine du goût qui cache mal les cinquante et une semaines de dégoût… Faisons de cette semaine du goût le point de départ d’un nouveau pacte alimentaire. Dans chaque école, collège, lycée, hôpital et maison de retraite, le repas doit redevenir un temps de plaisir et d’échange, un espace de reconnexion au territoire et à la variété des goûts et des saveurs.