Sureté des centrales nucléaires : Un audit cosmétique débouche sur un rapport schizophrène !
L'audit effectué par l'Autorité de sureté nucléaire a été remis au premier ministre français mardi 03 janvier 2012. Comme il fallait s'y attendre, l'ASN ne préconise pas la fermeture de centrales nucléaires. La construction de l'audit a en effet été conçue pour aboutir à ce résultat en excluant par exemple de l'audit les risques terroristes ou l'intrusion inopinée sur des sites nucléaires, en minorant l'impact d'un éventuel séisme, en occultant le facteur humain ou l'impact éventuel d'un crash d'un avion de ligne. Bref, à l'exception de tous les risques, les centrales nucléaires sont sures...
Point de vue de Stéphen Kerckhove, délégué général d’Agir pour l’Environnement
Parce que le lobby nucléaire n'est pas à une contradiction près, l'ASN peut tout
à la fois estimer que les centrales sont suffisamment sures pour ne pas être
fermées tout en réclamant, d'urgence, de lourds travaux permettant d'accroître
leur robustesse en cas de situations extrêmes... Il ne nous reste plus qu'à
prier le dieu de l'atome pour que les "situations extrêmes" acceptent d'attendre
la fin des travaux prescrits par l'ASN !
L'ASN exhorte donc les acteurs
du nucléaire à renforcer la sécurité des réacteurs tout en laissant en
fonctionnement des centrales vieillissantes et soumises à la pression d'une
libéralisation du secteur de l'énergie. Dans l'attente de la réalisation de ces
travaux (qui pour certains ne seront effectués qu'en 2018), la France va donc
devoir apprendre à vivre avec une véritable épée de Damoclès au-dessus de la
tête.
Faute d'avoir pris la mesure de la dangerosité du nucléaire, l'ASN
réclame des mesures correctives coûteuses, mesures qui n'éradiqueront jamais le
risque d'une catastrophe nucléaire puisqu'un certain nombre de risques a été
délibérément exclu du champ de l'audit. Bref, le lobby nucléaire court après le
petit lapin blanc radioactif mais ne le rattrapera jamais car il court après une
illusion, celle d'une maîtrise totale qui n'existe que dans la tête de
technocrates imbus de leur propre puissance.
Alors que la France semble
éprouver quelques difficultés à équilibrer ses comptes, le nucléaire va pourtant
bénéficier de largesses financières puisque la seule maintenance des 58
réacteurs était évaluée (avant la catastrophe de Fukushima) à plus de 35
milliards d'euros. En y ajoutant les prescriptions de l'ASN visant à réduire,
sans l'éradiquer totalement (loin s’en faut), l'insécurité nucléaire, il
apparaît une fois encore que le lobby nucléaire aujourd'hui, comme les banques
hier, ne semblent pas éprouver de difficultés particulières à trouver les
milliards qui lui manquent pour financer la poursuite d'errements graves et
répétés.
La catastrophe de Fukushima a, partout dans le monde, mis un
terme aux certitudes entretenues par et pour le lobby nucléaire. A l'exception
notable de la France, nombre de pays osent sortir du nucléaire. En moins d'un
an, plus de 75 réacteurs (sur les 463 en activité) ont été mis à l'arrêt ou sont
en passe de l'être. Alors que la page nucléaire est en train de se refermer
brutalement, la France s'acharne pourtant en s'accrochant à des audits produits
pour les besoins de la cause.
Au lieu de mobiliser les milliards d'euros
qui manqueront à notre pays pour organiser la nécessaire transition énergétique
que d'autres pays européens mettent d'ores et déjà en œuvre, il est plus
qu'urgent d'oser affirmer que le danger nucléaire n'est pas réductible à une
série de prescriptions techniques.