Quand les cantines se rebellent : 3 questions @ Gilles Pérole, président de l'association Un Plus Bio
A l’occasion du lancement du manifeste pour une restauration collective bio, locale, saine et juste "Quand les cantines se rebellent" par l'association Un Plus Bio, nous avons posé 3 questions @ Gilles Pérole, son président.
Vous lancez un manifeste "Quand les cantines se rebellent", quelles en ont été les motivations ?
L'idée est née du constat que le bio, en restauration collective, reste très anecdotique en France.Vue d'Un Plus Bio, qui milite et développe des programmes alimentaires de qualité couronnés de succès sur de nombreux territoires en lien avec les collectivités depuis 2002, cette situation ne peut pas durer davantage. Ce manifeste est donc là pour montrer, par l’exemple, qu’il est possible de faire évoluer les choses et pour mettre en valeur ces collectivités qui agissent.
A la veille de la COP 21, Il est aussi temps de poser les bonnes questions sur nos pratiques alimentaires et de les faire évoluer vers un modèle durable dans lequel une agriculture respectueuse de l'environnement et de la santé publique produit enfin une alimentation saine, locale et juste économiquement.
Le manifeste intervient à un moment où l'opinion publique plébiscite la consommation du bio et où la société politique commence à comprendre que, au fur et à mesure des crises que traversent les paysans, on risque rapidement d'aller droit au mur.
La bio peine à dépasser 3% du marché en restauration collective, quels constats faites-vous sur le terrain auprès des élus ?
D'après l'Agence bio en effet, on était à 2,7% du total des achats alimentaires de la restauration collective en 2014. Dans le livre, on ne jette la pierre à personne, on préfère rester positif et encourager le lecteur, qu'il soit élu, gestionnaire ou simple citoyen, à changer de regard et d'approche. D'une manière générale, les élus ne se rendent pas suffisamment compte qu'ils peuvent être à l'origine de vraies révolutions sur leurs territoires.
En prenant appui sur plusieurs expériences menées au sein de collectivités qui ont rejoint le Club des Territoires Un Plus Bio créé en 2013, on donne des pistes pour démontrer que changer de modèle n'est finalement pas si compliqué, il suffit juste d'une vraie volonté politique et d'accepter de se mettre en mouvement. On montre également que ce changement est à la portée de tous : les villages ou les villes qui gèrent les écoles, les départements qui s'occupent des collèges ou encore les régions qui assurent la restauration collective des lycées. Il en va de même pour les repas en maisons de retraite, en crèche, à l'université ou à l’hôpital.
Comment lutter contre les idées reçues de la bio (trop cher, filière non organisée, etc.) ?
La réalité est tout de même imparable : pour manger bio et local, il faut produire bio localement. Or les surfaces agricoles dédiées à l'agriculture biologique, à part quelques territoires dynamiques comme le Gard, la Drôme ou la région PACA, n'atteignent même pas 5% de la surface agricole utile française. Du coup, si la filière n'est pas davantage organisée, le recours à l'importation restera incontournable pendant longtemps. C'est justement là que les collectivités locales et territoriales disposent d'un formidable levier. Elles peuvent faire des miracles dans la rédaction des cahiers des charges des appels d'offre, en renonçant à la facilité et au moins-disant. C'est également elles qui ont la main sur l'aménagement du territoire. Consacrer des terres agricoles au bio et soutenir l'installation de nouveaux paysans sont des moyens de développer à terme la production bio.
Pour ce qui est du prix, il est évident que si on remplaçait les produits conventionnels des menus actuels par des produits exclusivement bio sans rien changer aux pratiques, la facture grimperait naturellement. En revanche, il est possible de manger bio pour pas plus cher. Par exemple dans la ville de Mouans-Sartoux dont je suis le maire adjoint, on est passé le 1er janvier 2012 à du 100% bio et local à coûts constants. Comment ? En créant une régie agricole qui fournit à ce jour plus de 80% de nos besoins en légumes – la production locale n'était pas suffisante-, en faisant baisser drastiquement le gaspillage alimentaire (passé de 147 à 34 g en cinq ans), en formant les personnels à de nouvelles méthodes de cuisine, en n'achetant des denrées qu'en connaissance des cours en vigueur, en refusant d'intégrer des produits hors saison. Manger bio, c'est un vrai projet de société qu nous fait sortir de la crise par le haut.