Précarité énergétique : Le vrai « coup » du nucléaire
par Stéphen Kerckhove, délégué général d'Agir pour l'Environnement
Selon le baromètre Powermetrix-AFP, plus de 6 millions de français, soit environ 11% de la population, éprouveraient des difficultés à payer leur facture d'électricité.
Cette étude est un démenti cinglant apporté à tous ceux qui ne cessent de vanter les mérites d'un nucléaire peu « coûteux ». En effet, parallèlement au développement du nucléaire, la France a implicitement fait le choix d'un gaspillage énergétique institutionnalisé reposant tout à la fois sur le chauffage électrique et la construction de « passoires thermiques ».
Afin d'écouler la surproduction électrique d'origine nucléaire, la France a incité propriétaires et locataires à recourir à des chauffages électriques inefficaces énergétiquement et coûteux à l'usage. C'est ainsi tout le paradoxe de la politique énergétique française que de proposer un kWh peu coûteux mais une facture prohibitive. Unitairement, le kWh est effectivement l'un des moins chers d'Europe (en faisant abstraction des externalités négatives comme la probabilité d'une catastrophe, le coût de gestion des déchets et de démantèlement des centrales...) mais l'usage du chauffage électrique dans des habitations peu ou mal isolées entraîne des surcoûts laissés à la charge de locataires exposés à une précarité énergétique de plus en plus aiguë. La facture électrique payée par les consommateurs français est de 30% à 50% plus élevée que celle réglée par les allemands ou les italiens !
L'injustice sociale se nourrit ainsi du gaspillage énergétique. Il est grand temps de remettre au goût du jour une politique vertueuse dont l'ambition ne serait plus d'assurer des débouchés à l'opérateur énergétique historique mu par une avidité financière inacceptable. In fine, ce sont les précaires qui paient la note des errements de la politique nucléaire française.
Double, triple et quadruple peine !
Relégués dans des banlieues dortoirs mal desservies en transport en commun, ces locataires et propriétaires exposés à cette précarité énergétique doivent également s'acquitter de factures de carburant en constante augmentation pour accéder à une mobilité minimale.
Logement et transport sont les deux faces d'une même pièce où se joue une certaine vision de l'équité sociale et écologique. Parce que l'énergie a un prix, qu'à l'avenir, il est très probable que ce coût ira croissant, il est plus qu'urgent d'adopter un vaste plan de sobriété et d'efficacité énergétique appréhendant de façon cohérente l'habitat et la mobilité.
Parce que chacun peut constater la très grande interdépendance entre le nucléaire, le chauffage électrique et la précarité énergétique, il est plus qu'urgent d'interdire le recours à ce moyen de chauffage tout en menant à bien un vaste plan d'isolation des bâtiments anciens en ciblant en priorité les passoires thermiques.
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