Organisation Mondiale de l’Environnement : Rêve français ou tactique politique ?
Il y a une dizaine de jour se tenait, à l’initiative des ministères de l’écologie et des affaires étrangères, une conférence internationale intitulée « Vers une nouvelle gouvernance mondiale de l’environnement » en vue de la conférence de Rio +20 qui aura lieu en juin prochain. Rassemblant de nombreux institutionnels, multinationales, élus et quelques ONG, ces deux journées de travail avaient pour but de définir les contours d’une Organisation Mondiale de l’Environnement (OME), idée portée par le gouvernement français depuis une dizaine d’années mais toujours restée lettre morte. Retour sur un thème qui fait fortement débat entre le gouvernement et la société civile.
Le constat est le même pour tous : il n’existe aujourd’hui aucune gouvernance de l’environnement. Au niveau international, il n’y a aucune instance forte pour préserver nos biens communs et notre planète. Malgré plus de 500 accords mondiaux signés par de nombreux Etats et un Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), la notion environnementale reste complètement floue et l’environnement est géré par tout le monde mais protégé par personne.
En effet, les traités signés n’intègrent pas de sanctions réelles et sont donc très peu respectés. Il n’existe aucune coordination entre eux et le PNUE reste un organe subsidiaire du système onusien, sous financé, dont le seul rôle est la mise en œuvre et non la création de politiques fortes.
Il est donc nécessaire de prendre les choses en main et de mettre en place une réelle gouvernance mondiale, capable de préserver notre planète, nos biens communs et les générations futures, sans quoi l’avenir de l’humanité sera en danger.
Cependant, Si le gouvernement français porte depuis des années l’idée de mettre en place une OME, si plusieurs association environnementales et alter mondialistes ont souvent porté cette idée, c’est dans la mise en œuvre de cette gouvernance que les avis divergent. En effet, si le gouvernement français met tous ces efforts à plaider pour une OME, il n’en reste pas moins un risque que cette instance soit une coquille vide, voire une autre instance de promotion du système capitaliste, dominé par les pays en développement (dominé par les pays en développement ?) tel que peuvent l’être l’OMC ou l’OMS. C’est pourquoi, la société civile (ONG, syndicats…) reste vigilante sur la position du Ministère de l’écologie.
Agir pour l’environnement, qui a déjà travaillé sur la question en 2004, est favorable à la création d’une OME, à condition que ce soit un organe onusien fort, rassemblant les compétences environnementales et qui soit tout aussi légitime que transparent dans son fonctionnement. Son rôle serait de réorganiser la gouvernance mondiale tout en renforçant l’application des traités mondiaux et AME. L’OME aurait également un rôle reconnu en matière d’expertise scientifique et de diffusion de l’information auprès des citoyens tout en disposant d’une forte assise politique qui permettrait de contrebalancer l’OMC. Au delà de cela, si nous voulons que cette instance ait un réel impact quand à la protection de nos biens communs, il sera nécessaire de mettre en place une Cours Mondiale de l’Environnement (CME) qui définirait un cadre juridiquement contraignant et une juridiction obligatoire en cas de violation de traités ou d’accords.
De plus, la société civile et des collectivités locales au sein de cette institution devront avoir une place prépondérante si nous voulons tendre vers une réelle indépendance, transparence et recherche de l’intérêt général. Le tout serait financé par une écotaxe qui serait mise en place.
Or, dans les propositions gouvernementales, aucun mot sur les instruments juridiquement contraignants et peu de choses sur le mode de financement à part de cumuler le budget du PNUE (95,5 millions de dollars par an) avec celui des AME (86 milliards de dollars par an pour les douze principaux).
Cela dit, ces deux journées de réflexion, orchestrées par le Ministère de l’écologie et celui des affaires étrangères restent à notre sens une tactique politique pré-électorale recherchant la sympathie des ONG et du monde écologiste. En effet, on ne peut pas vouloir la création d’une OME au niveau international et continuer à construire des autoroutes, des aéroports ou bien autoriser l’exploration et l’exploitation des gaz de schiste au niveau local. Cela va complètement à l’encontre de la préservation de nos biens communs, qu’ils soient vitaux ou non.
Avant de se faire le porte-voix de grands et beaux principes jusqu’au Brésil, de plaider pour une gouvernance mondiale de l’environnement et une bonne gestion de nos biens communs au niveau international, nos élus et décideurs politiques feraient mieux d’accorder leurs discours avec leurs actions locales et nationales.
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Par Sophie Bordères – Coordinatrice de campagnes.