Notre-Dame des Landes : La méthode Ayrault à l’épreuve des faits

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Depuis maintenant trois semaines, le village de Notre-Dame des Landes situé à quelques encablures de Nantes est le théâtre d’affrontements opposant les forces de l’ordre à des militants opposés à un projet d’aéroport.

Point de vue de Stéphen Kerckhove, délégué général d'Agir pour l'Environnement

Depuis maintenant trois semaines, le village de Notre-Dame des Landes situé à quelques encablures de Nantes est le théâtre d’affrontements opposant les forces de l’ordre à des militants opposés à un projet d’aéroport. La violence est toujours le symptôme le plus visible d’un échec démocratique. Alors que le gouvernement se targe de mettre en œuvre une nouvelle méthode de gouvernance par laquelle les acteurs de la société civile seraient appelés à échanger et trouver des solutions novatrices, le premier ministre semble vouloir ériger la matraque comme symbole de ce nouveau départ. En réaction, 40.000 personnes ont manifesté à Notre-Dame des Landes samedi 17 novembre en vue de réoccuper les sites que les forces de l’ordre avaient prétendument « nettoyé ».

A la surprise générale, alors que l’ensemble des infrastructures de transport décidées par l’ancien gouvernement font désormais l’objet d’une réévaluation, seul le projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes fait exception. L’entêtement du chef du gouvernement (et ancien maire de Nantes) relève d’un caprice. Pour marquer l’histoire de son empreinte, chacun élu local aspire à inaugurer une infrastructure qui lui survivra. C’est ainsi que chaque année, la France artificialise 93 000 hectares de terres agricoles, soit la surface d’une quinzaine de terrains de foot chaque heure qui passe ! En dix ans, le nombre d'exploitations agricoles a diminué de 26%. Les émissions de gaz à effet de serre du secteur transport ont augmenté de 23% depuis 1990 ! Le projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes aurait pour effet de détruire 1650 hectares de terres agricoles et zones humides. Ce qui relève d’une sorte « d’inaugurite » aigu chez un élu local se transforme en cécité absolu pour un premier ministre. Jean-Marc Ayrault, devenu premier ministre de la France, doit cesser de soutenir un projet local contestable et contesté. Il n’est plus maire de Nantes et doit enfin le comprendre.

D’autant que localement, il est peu de dire que ce projet ne fait pas l’unanimité. Selon un sondage BVA datant de 2010, 71% des français estimaient qu’un nouvel aéroport est inutile. Ce projet est né à la fin des trente glorieuses et cinquante gaspilleuses… Vieux d’une quarantaine d’années, ce projet fut pensé par une technocratie imbue de son pouvoir. Censé remplacer l’aéroport du Grand Ouest, le projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes engendrerait un coût de plus de 500 millions d’euros, pour le plus grand bénéfice de la multinationale Vinci qui a signé un Partenariat Public Privé ; ces fameux PPP si décriés aujourd’hui pour nationaliser les pertes et privatiser les bénéfices.

Au-delà du fait que ce projet sera coûteux pour les deniers publics, rien ne le justifie concrètement. Le nombre d’atterrissages et décollages issus de l’aéroport actuel de Nantes stagnent depuis 2000 et les évaluations de trafics réalisées par Vinci sont toutes aussi fantaisistes que surévaluées pour les besoins de la cause. D’autant que certains aéroports européens accueillent avec une seule piste trois fois plus de passagers.

 Alors que la nécessaire sobriété énergétique doit nous amener à envisager une autre mobilité, est-il réaliste d’engager plusieurs centaines de millions d’euros pour accumuler des infrastructures aéroportuaires inutiles ? Même si le trafic aérien a sensiblement augmenté ces dernières années, qui peut encore croire que le secteur aérien pourra durablement s’affranchir des contraintes climatiques et énergétiques ?

 Le coup de force que le premier ministre cherche à imposer à Notre-Dame des Landes est un marqueur politique, tant sur la forme que sur le fond. La transition énergétique ne peut se réduire à quelques bons mots et beaux discours déclamés avec un lyrisme qui cache mal la duplicité de l’action. L’écologie réclame de la ténacité. En assumant clairement un grand écart entre le dire et le faire, le premier ministre sème le doute quant à l’urgence de la situation. La menace climatique, l’effondrement des écosystèmes, l’artificialisation des terres agricoles réclament au contraire des décisions cohérentes inscrites dans le temps et dans l’espace.

Chercher à imposer, comme semble le vouloir le premier ministre, un projet inutile, coûteux et climaticide est une faute politique illustrant l’archaïsme de certains responsables politiques qui n’arrivent pas à s’affranchir d’un modèle qui fleure bon le kérozène, le bitume et les gaz lacrymogènes.

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