Grenelle de l’environnement : Dix ans de blablas
Par Stéphen Kerckhove, délégué général d'Agir pour l'Environnement et auteur du livre "Grenelle de l'environnement : L'histoire d'un échec" paru aux éditions Yves Michel
Dix ans, jour pour jour, après le Grenelle de l’environnement, l’heure est venue de tirer les enseignements d’un processus qui simula le changement à défaut de faire vivre réellement la transition.
Le Grenelle de l’environnement fut avant tout une grand-messe, avec ses convertis de dernières minutes, ses mythes fondateurs et ses croyances injustifiées. Des milliers d’heures de réunionite ont été consacrées à identifier les points d’accords et désaccords, processus qui s’éroda avec le temps et se fracassa sur une phrase présidentielle -« l’environnement, ça commence à bien faire »- déclamée avec la gouaille des populistes en culotte courte.
Les objectifs, parfois ambitieux, n’ont pas été traduits dans les faits. Pire, la part de bio, la baisse des pesticides, la montée en charge du fret ferroviaire ou des énergies renouvelables ont été autant d’objectifs lointains maintes fois affirmés sans pour autant conduire aux changements annoncés. Le Grenelle fut une vaste illusion d’optique qui versa avec le temps dans une mystification. Plus surprenant, une armée mexicaine de négociateurs a contracté, réunion après réunion, le syndrome de Stockholm qui amena les ennemis d’hier à sceller un pacte faustien.
De fait, Président après Président, le grenelle de l’environnement a fait école et chacun s’est habitué à participer à des réunions inutiles, actant de grands objectifs ambitieux… non suivis d’effet. Personne n’ose réinterroger le principe même de ces grands raouts assaisonnés de discours roboratifs et petits fours indigestes. A défaut de faire vivre la transition écologique en construisant un rapport de force contestant pied à pied les errements d’un productivisme aux abois, les ONG sont sommées de participer à des processus chronophages et inefficaces.
Le Grenelle fut suivi de conférences environnementales ; puis par des assises et autres Etats généraux de l’alimentation. Pendant ce temps perdu, les voyants sont et restent au rouge ! Après dix ans de réunionites, tous les diagnostics ont pu être énoncés, les solutions proposées, les objectifs fixés dans des lois, règlements, circulaires, chartes, engagements de tous ordres… L’heure n’est plus aux grandes négociations au sommet sans base mobilisée. Face aux dégradations écologiques et aux crises climatiques, nous devons être exigeants envers nous-mêmes et intransigeants avec cette cohorte de "destructivistes" qui nous conduisent dans le mur écologique. Agir donc, plutôt que discourir.