Faux bio et vrai scandale...
La découverte, mardi dernier, par la police de Vérone d'une filière qui écoulait de faux produits bio en Italie, en Suisse et ailleurs en Europe, permet de tirer deux enseignements importants : D’une part les contrôles dont est l’objet la filière bio sont efficaces et sécurisants, puisqu’une telle fraude ne parvient pas à passer à travers les mailles du filet. D’autre part, cette filière serait encore plus sûre si l’approvisionnement bio était local, et basé sur des relations plus directes entre les paysans et les consommateurs.
Plus de 2500 tonnes de farine, froment, soja ou fruits secs faussement présentés comme biologiques ont été saisis, une dizaine de personnes est mise en cause. Le trafic organisé entre la Roumanie et l’Italie a porté sur plus de 700'000 tonnes en plusieurs années. Les produits de base étaient achetés via des sociétés écran puis "transformés" en bio avec de faux certificats. La filière a été démantelée.
L'organisation de l'agriculture biologique Italienne (AIAB) a réagi dès l'annonce de cette affaire : « (...) L'éclatante fraude a mis en lumière la faiblesse du secteur que l'AIAB avait plusieurs fois souligné : le problème des matières premières importées, qui vont pour l'alimentation animale du soja à l'orge, et pour la boulangerie de la pâte au pain (...) Nous avions plusieurs fois tiré la sonnette d'alarme sur un secteur en plein expansion, pouvant attirer la spéculation et la criminalité.(…) Nous encourageons donc à proposer des produits bio et italiens, provenant d'entreprises exclusivement bio, et si possibles garanties par la marque de l'AIAB, et construire des filières entièrement italiennes .» (communiqué entier)
En France, les autorités ont sollicité des informations précises auprès des autorités italiennes. Selon la Fédération nationale d’agriculture biologique (FNAB) : « Il est rassurant que ce système frauduleux ait été mis à jour et que des sanctions soient engagées. Au vu d’informations complémentaires informelles reçues à l’instant, il apparaît que l’enquête ne serait pas encore terminée, ce qui expliquerait que la brigade financière italienne ne soit pas encore prête à donner les informations détaillées attendues. A titre strictement indicatif, en 5 ans, dans l’UE, la production de céréales bio a été estimée à de l’ordre de 7 millions de tonnes.»
IFOAM Europe (International Federation of Organic Agriculture Movements) souligne que : « ces criminels ont sapé le bon travail de plusieurs centaines de milliers des agriculteurs biologiques et d'entreprises à travers l'Europe (et des millions à travers le monde) qui travaillent pour les plus hauts standards d'intégrité de la chaîne d'alimentation bio qui va de la fourche à la fourchette. Ensemble, le secteur biologique produit durablement des aliments bons et sains et un environnement propre ».
Agir pour l’Environnement ne peut que rappeler que l’agriculture biologique nécessite une démarche globale qui va bien au-delà de l’achat de produits estampillés « AB ». Cette exigence se retrouve d’un bout à l’autre de la chaine, du producteur au consommateur, comme le rappelle Christopher Stopes, président d’IFOAM Europe. L’agriculture biologique, pour être en adéquation avec les principes qu’elle met en avant, doit avant tout s’inscrire dans un territoire donné, respecter les rythmes des saisons et favoriser les circuits courts. Plutôt que d’importer pour combler une demande très supérieure à l’offre disponible, il est urgent et nécessaire de développer la bio « ici et maintenant », sur les territoires français, en aidant les agriculteurs conventionnels à évoluer vers la bio et en soutenant les installations bio.
Manger bio et produire bio est une autre façon d’envisager le système agro-alimentaire, et pour reprendre l’indignation de Christopher Stopes : «Il n'y a pas d'espace pour les criminels dans le secteur des produits biologiques qui ne pensent qu’à faire de l'argent facile ».