ACTION - Loi sur la contrefaçon : non à la criminalisation des pratiques paysannes !
Le 20 novembre, les sénateurs discuteront et voteront en séance publique une proposition de loi « tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon », un sommet dans la recherche de profit absolu. Cette loi prévoit en effet de criminaliser la reproduction à la ferme des semences, animaux, levains et ferments. Nous vous invitons à vous mobiliser d'urgence en sollicitant vos sénateurs et sénatrices pour leur demander de soutenir et de voter l'amendement proposé par le collectif « Semons la biodiversité ».
Au prétexte de la lutte contre les « contrefaçons », est-il admissible de nier 10.000 ans d'agriculture et d'accaparer le patrimoine agricole de l'humanité ?
Depuis l'invention de l'agriculture, l'Homme sélectionne des plantes pour ses cultures, des animaux pour ses élevages, et des micro-organismes pour ses levains et ferments (destinés à fabriquer pain, fromages, etc.). Cette sélection pluri-millénaire, réalisée par des générations d'agriculteurs et partagée sur des millions de paysans, a abouti à des lignées de céréales, de légumes, d'animaux, de levains... qui servent aujourd'hui de base à toute la sélection contemporaine.
Quand un paysan croise ses animaux ou sélectionne lui-même ses légumes ou ses céréales, il s'inscrit dans cette histoire, il puise dans ce « pool génétique » universel, qu'il valorise et fait évoluer. Quand un sélectionneur professionnel (obtenteur de variétés végétales, sélectionneur animal, fabricant de levains ou de ferments) crée une nouvelle variété végétale ou affine des caractères animaux, il s'inscrit tout autant dans cette histoire, il puise dans ce même « pool génétique » qu'il n'a pas créé et dont il est redevable.
La proposition de loi n°866 (2012-2013) considère implicitement que ce patrimoine universel puisse être accaparé par les sélectionneurs industriels au nom de la « propriété intellectuelle ». Puisque telle variété végétale créée et protégée par un établissement semencier possède un caractère spécifique X, tout agriculteur qui multipliera sur sa ferme une variété contenant ce même caractère sera considéré a priori comme « contrefacteur » et pourra voir sa récolte saisie par les services de l'État à la demande de l'établissement semencier ! Pourtant, ce caractère X n'appartient pas plus à l'établissement semencier qu'à l'agriculteur : il est le résultat de 10.000 ans de sélection paysanne, anonyme et publique. Non seulement le simple fait de pouvoir « protéger » ou breveter des caractères du vivant est une imposture (ces caractères n'ont pas été créés par l'industriel, mais par des générations d'agriculteurs dont l'industriel n'est qu'un ultime et anecdotique maillon), mais en outre la non-reconnaissance du travail paysan (sélection, maintenance...) est une infamie.
Cette loi, qui s'ajoute à tout un arsenal juridique d'appropriation du vivant, obligera un agriculteur à acheter ses semences et ses animaux reproducteurs et interdira de facto la sélection paysanne telle qu'elle existe depuis l'invention de l'agriculture. En effet, tout agriculteur qui ne disposera pas de factures pour ses semences, ses animaux reproducteurs ou ses préparations naturelles sera considéré a priori comme contrefacteur, ce qui est la négation des fondamentaux de l'agriculture... et des libertés individuelles. Ces dispositions sont doublement scandaleuses. D'abord, parce qu'elles criminalisent un acte agricole fondamental, aussi fondamental pour l'agriculture que celui de boire ou de respirer l'est pour un humain : imagine-t-on une loi nous taxant pour avoir le droit de boire et de respirer ? Ensuite, parce qu'en obligeant les paysans à utiliser uniquement des semences, animaux reproducteurs et micro-organismes du commerce, elle crée une forme « d'obligation d'achat » et appauvrit dramatiquement la biodiversité agricole : c'est là, très précisément, une démarche totalitaire, puisqu'elle interdit aux paysans de faire leurs propres choix de sélection.
A vous d'Agir : Nous vous invitons vivement à solliciter vos sénateurs et sénatrices sur la base du courrier que leur a envoyé le collectif « Semons la biodiversité ».
Jacques Caplat (Chargé de campagnes - Agir Pour l'Environnement)
Pièces jointes :
Liste et coordonnées des sénateurs et sénatrices [PDF]
Argumentaire plus détaillé [PDF]
10 propositions pour que vivent les semences paysannes [PDF]
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Suggestion de courriel
La reproduction à la ferme n'est pas une contrefaçon !
Madame, Monsieur,
Le 20 novembre, vous serez appelés à vous prononcer sur une proposition de loi n° 866 (2012-2013) sur la lutte contre la contrefaçon. Sous ce prétexte, ce texte condamne de facto tout agriculteur qui produit à la ferme (semences, plants, animaux reproducteurs, préparations naturelles). Cette proposition de loi criminalise ainsi plusieurs actes fondateurs de l'agriculture et transforme le paysan en délinquant, limitant ses libertés individuelles.
De plus, force de constater que, cette proposition de loi vise avant tout à mettre l'État, sa justice et sa police, au service direct des entreprises privées détentrices de Droits de Propriété Intellectuelle (DPI).
C'est pour l'ensemble de ces raisons que je défends auprès de vous la proposition défendue par le collectif "Semons la biodiversité" : la production à la ferme par un agriculteur de ses semences, de ses plants ou de ses animaux pour les besoins de son exploitation agricole, ne constitue pas une contrefaçon, et ce quelle que soit l'origine de ces semences, de ces plants ou de ces animaux.
Je compte sur vous pour soutenir et défendre cet amendement, tel qu'il vous a été présenté dans le courrier ci-dessous :
http://www.semonslabiodiversite.com/wp-content/uploads/2013-11-12-Lettre-Sénateurs-contrefaçon-Semons-Biodiversité2.pdf
Je vous remercie,
Votre signature.